L'histoire d'un art
Né en 1941 à Borjomi, en Géorgie soviétique, Goudji Amachoukeli est le fils
d'un médecin et d'une mère professeur de sciences naturelles, résidant à
Batoumi, petite ville balnéaire située sur le bord de la mer Noire.
Entré à 17 ans à l'Académie des Beaux-Arts de Tbilissi, en section
sculpture, il étudie la peinture, la sculpture, les arts graphiques et
l'histoire de l'art avec des professeurs de grand talent.
Il doit quitter précipitamment la Géorgie quatre ans plus tard, en 1962 :
alors qu'il était en vacances à Batoumi, plusieurs de ses amis sont arrêtés
pour avoir tenté de franchir le "Rideau de fer" en gagnant à la nage la
Turquie voisine. Recherché pour une éventuelle complicité, Goudji s'enfuit à
Moscou où il doit vivre, d'abord, dans une semi-clandestinité. Il dévore les
ouvrages d'histoire de l'art et parvient bientôt à travailler dans un
"kombinat" où on lui demande de faire du "design", de créer des modèles de
jouets et des objets de décoration en zamac, alliage de zinc, étain, plomb,
pour les faire couler en série par l'industrie. Sa compétence et sa
créativité sont appréciées puisque à 23 ans, il entre à l'Union des Artistes
de l'URSS et restera le plus jeune membre jamais admis à cette célèbre
institution. Mais il se refuse à travailler à la gloire du régime et se
borne à la création d'éléments de décor intérieur comme des grilles
monumentales en fer forgé et des cheminées pour des ministères. On lui
demande de créer des modèles de médailles commémoratives ou de dessiner des
timbres. Il profite des facilités qui lui sont accordées pour voyager, pour
faire des séjours dans les "maisons des artistes" destinées à faciliter la
création, ou pour prendre le temps de lire et de parfaire sa connaissance de
l'histoire de l'art.
A la mort de son père, en 1967, Goudji revient en Géorgie. Il rencontre
alors deux très vieux dinandiers qui, du matin au soir, martèlent le cuivre
et s'échinent à produire sans cesse les mêmes plateaux et les mêmes
bouilloires qui sont vendues sur le marché. Il les observe, apprend d'eux la
dinanderie et les assiste. Ce sera sa seule formation pour une technique
venue du fond des âges et qui ne se transmet que par l'apprentissage. Deux
mois plus tard, il sait marteler le cuivre, travailler le métal au repoussé,
souder, riveter, étamer.
De retour à Moscou, Goudji rencontre Katherine Barsacq, fille d'André
Barsacq, alors directeur et metteur en scène du célèbre Théâtre de
l'Atelier, à Paris. Cette petite nièce de Léon Bakst, décorateur de
Diaghilev, travaillait à l'ambassade de France. Malgré d'innombrables
tracasseries, ils s'épousent en 1969 et demandent un visa pour gagner la
France. Rejeté comme un paria par l'administration et la société
soviétiques, Goudji attendra cinq ans cette autorisation de sortie, sans
commande ni travail. Il en profite pour découvrir et s'approprier la
délicate technique des émaux d'Oussol (Oural), alliance du cuivre et de la
pâte de verre déposée en aplats successifs ou dans des logettes cloisonnées.
C'est grâce aux interventions renouvelées de Georges Pompidou, président de
la République française, et de Maurice Schumann que Goudji obtient enfin
l'autorisation de quitter l'URSS.
Le 31 janvier 1974, Katherine et Goudji arrivent en France.
"Je suis né à Paris à l'âge de 33 ans"
La France accueille Goudji et, bientôt, se l'approprie.
Traumatisé, épuisé par le changement, Goudji ne peut d'emblée découvrir
Paris. Durant trois mois, il dort. Il s'éveille peu à peu au mode de vie
occidental, commence l'apprentissage du français, s'organise une vie
nouvelle et installe un modeste atelier dans un passage montmartrois,
presque en face de la maison où vécurent deux autres immigrés : Théo et
Vincent Van Gogh.
Travailler les métaux précieux lui était interdit en Union soviétique.
Pourtant Goudji, déjà, avait sacrifié quelques petites cuillères d'argent
pour offrir à ses proches des broches enrichies de pierres colorées glanées
sur les plages de la Mer Noire. Ce fut sa seule expérience d'orfèvre jusqu'à
son arrivée en France.
Goudji a envie et besoin de créer. Pour d'évidentes raisons économiques,
ses premières créations parisiennes, broches, colliers ou boucles de
ceintures, sont d'abord réalisées en cuivre et en laiton de récupération
qu'il achète aux puces de la Porte de Clignancourt. A partir de 1975, il
fait argenter par électrolyse ses créations en alliage de cuivre. Par ces
petites pièces, d'abord modestes puis somptueuses, Goudji se fait rapidement
connaître des amateurs d'orfèvrerie contemporaine. Toujours uniques, en
raison même de la technique employée, ces premiers bijoux sont bientôt
remarqués par Hubert de Givenchy, mais Goudji n'accepte pas de les produire
en série sous une signature qui ne soit pas la sienne : sa première
exposition personnelle est présentée en 1975 par la galerie Sven, à Paris.
Fort de ces premiers succès, Goudji peut travailler l'argent massif. Après
quelques pièces de forme en cuivre argenté, son premier vase en argent
massif est une admirable coupe ovale à la tête de taureau (n_ XX) où se
manifeste déjà son goût pour l'art animalier. Cette oeuvre parfaitement
aboutie demeure, comme un symbole, l'un des rares objets conservés par
Katherine. Peu à peu, Goudji met au point sa technique si originale du
martelé-creux, recréée de l'antique, à double paroi d'argent battu, qui
permet d'alléger les pièces importantes et de les enrichir de pierres rares,
ce qui économise le métal, rigidifie la structure et allège les bijoux.
Dès 1976, l'utilisation du vermeil, argent massif doré par électrolyse,
permet à Goudji de jouer sur de nouvelles associations de couleurs et de
matières. Substitut de l'or dont il a l'aspect, et plus commode à
travailler, le vermeil prend à l'usage une "patine" sans égal : l'argent
apparaît sous la pellicule d'or rendue transparente par les frottements.
Homme de son siècle, Goudji s'approprie rapidement des techniques modernes.
Dès 1980, le chalumeau remplace la forge multimillénaire et à la goupille
des torques hittites se substitue le fermoir à aimant permettant des bagues
ou pendentifs interchangeables sur une même base réversible. Peu satisfait
de l'argenture et de la dorure de sous-traitance, il acquiert un équipement
pour effectuer lui-même les dépôts électrolytiques.
En 1983, Goudji crée une première collection de "pièces de forme".
Réminiscences de civilisations anciennes, ses oeuvres ne sont ni des copies,
ni des plagiats mais des "Goudji", créations contemporaines inimitables que
l'on reconnaît au premer coup d'oeil. Son succès permet à l'artiste de créer
des oeuvres plus ambitieuses : boîtes, centres de table, coupes en pierres
dures à montures d'or ou d'argent.
C'est en 1987 qu'à la demande de François Mathey, sont réalisées, les
premières grandes pièces d'art religieux, la cuve baptismale et le
chandelier pascal incrustés de granit armoricain qui seront confiées par
l'Etat (Fonds national d'art contemporain) à la cathédrale Notre-Dame de
Paris. A cette même époque, il crée le premier de ses étonnants chariots de
table.
Après la commande de l'homme de théâtre Félicien Marceau qui, pour la
première fois, confie en 1975 une telle commande à un seul artiste et non à
une équipe, l'historien de l'Antiquité Robert Turcan demande à Goudji en
1991 la création de son épée d'académicien. En 1996, sept autres membres de
l'Institut lui auront accordé leur confiance.
Nourri de l'esprit des bâtisseurs de cathédrale, cet orthodoxe géorgien se
fond dans la tradition gothique de la terre beauceronne pour jeter les bases
d'une nouvelle expression de l'art chrétien : en trois mois seulement, au
début de 1992, Goudji réussit à créer l'autel majeur, le mobilier et les
objets sacrés du nouvel espace liturgique de la cathédrale Notre-Dame de
Chartres. Un extraordinaire Grand Evangéliaire des processions y sera
associé à l'occasion des cérémonies commémoratives du huitième centenaire de
l'insigne basilique (1994). Après sa première rétrospective au Musée Dobrée
(Nantes, 1993), Goudji a réalisé l'autel, le mobilier liturgique et les
vases sacrés de la cathédrale de Luçon (1995) et il est aujourd'hui
sollicité pour la création de crosses abbatiales et de mobilier et objets
liturgiques pour plusieurs autres monastères ou édifices religieux.
Homme d'une large culture, Goudji a su répondre également aux exigences de
commandes venues du monde islamique.
Intellectuel et sensible à la fois, l'art de Goudji est une moderne
alchimie, une transmutation de la matière, qu'il faut choisir et dompter
avant d'y insuffler cet esprit qui lui donne force et beauté, équilibre et
intemporalité.
Les métaux
Cuivre et laiton : Alliage de cuivre et de zinc, le laiton fut employé à la
place du bronze, cuivre mêlé d'étain, pour la création de prototypes de
petits ouvrages à mouler (boucles de ceinture, par exemple). Les cuivres
argentés ne sont pas contrôlés et ne portent pas de poinçon de garantie,
mais les ouvrages les plus importants en cuivre ou en laiton portent la
seule signature "GOUDJI", en toutes lettres.
Fer et acier : si Goudji a acquis en U.R.S.S. une grande maîtrise de la
ferronnerie, il ne forge plus que pour des commandes bien spécifiques, les
sièges de la cathédrale de Chartres, par exemple. En revanche, il utilise
quotidiennement cette compétence pour la fabrication des outils, marteaux ou
enclumes - il en possède plus de 300 -, nécessaires à son travail.
Argent : dès 1975, Goudji utilise l'argent à repousser en feuilles laminées
qu'il doit alors payer "argent comptant". L'argent qu'utilise Goudji est
toujours au "1er titre", c'est-à-dire du métal pur à 950 parties pour mille
d'alliage (950/1000e). Sa qualité en est garantie par le fournisseur (CLAL :
Comptoir Lyon Alemand Louyot, à Lyon). Par souci de finition, Goudji
réargente toujours d'un dépôt électrolytique d'argent fin (pur) les pièces
qu'il réalise en argent "massif".
L'argent au 1er titre se tord et conserve sa torsion. C'est pourquoi, dans
des cas très particuliers, Goudji utilise un alliage d'argent dit alors "au
2e titre" : il fond dans un creuset de terre réfractaire des chutes de tôle
d'argent au "1er titre" et y mêle, à l'estime, une proportion de cuivre
d'environ 10 %. Cela lui permet de réaliser des lames d'argent à la fois
souples et rigides, en particulier pour la réalisation de coupe-papier.
Vermeil : le vermeil est de l'argent "massif", au 1er titre, doré à l'or fin
(24 carats) par dépôt électrolytique. Il est contrôlé comme l'argent et
porte les mêmes poinçons. Goudji l'utilise dès 1976.
Or : Goudji utilise l'or pour la création de bijoux mais aussi, plus
rarement, pour celle de pièces d'orfèvrerie. Il s'agit d'or martelé,
repoussé ou fondu, un or à 18 carats, c'est-à-dire à 18 parties d'or fin
(pur) pour six parties d'argent, l'or vert spécialement réalisé à son
intention pour permettre le repoussage au marteau. Par souci de finition,
Goudji redore toujours d'un dépôt électrolytique d'or fin (24 carats) les
pièces qu'il réalise en or "massif" (18 carats). Comme celui de l'argent, le
titre de l'or est contrôlé par le Bureau de la Garantie de Paris.
Toutes les pièces en métaux précieux sont déposées, avant que n'y soient
incrustées les pierres, au Bureau de la Garantie de Paris, qui contrôle le
poids et le titre de métal et qui insculpe son poinçon : sur les grandes
pièces d'argent et de vermeil, ce poinçon a la forme d'un crabe ou d'une
tête de Minerve casquée, de profil à droite, dans un rectangle aux angles
abattus, et sur les objets en or "massif", le poinçon de garantie est une
tête d'aigle de profil à droite.
Toutes les oeuvres de Goudji sont signées par poinçon. Seul le poinçon de
maître est obligatoire : il s'agit d'un losange vertical avec les initiales
"G" et "A" superposées (pour Goudji Amachoukeli), séparées par deux marteaux
horizontaux, superposés et opposés. La signature "GOUDJI" est généralement
estampée par l'artiste. Elle n'est pas une obligation légale. La lettre "G",
pour Goudji, et les initiales GA en caractères géorgiens au superbe dessin
sont insculpés à titre décoratif. Les bijoux commandés par la Réunion des
Musées Nationaux pour commémorer le bicentenaire du Musée du Louvre
portaient en outre le poinçon rectangulaire sur trois lignes "GOUDJI / AU /
LOUVRE".
Le chiffre "925" correspond au titre minimum exigé pour la
commercialisation des ouvrages d'argent dans la Fédération Helvétique ; il
est indispensable pour l'exportation vers la Suisse. Le poinçon "STERLING"
indique un titre minimum (équivalent de "1er titre"), nécessaire à
l'exportation vers les pays anglo-saxons. Le poinçon "PARIS" indique le lieu
de création et favorise l'exportation. Dans les années quatre-vingts, Goudji
a parfois insculpé les deux derniers chiffres du millésime de sa création,
"83" = 1983.
Les seuls poinçons légaux, dont l'absence indiquerait un risque de
contrefaçon, sont le poinçon de maître orfèvre, losangé, et le poinçon de
garantie.
Triangulaires et souvent intégrés au décor, les trous d'évent nécessaires à
l'évacuation de l'acide cyanhydrique et de l'eau de rinçage des pièces
creuses soumises à l'électrolyse, peuvent être considérés comme des marques
distinctives des travaux de Goudji
Pierres et matières organiques d'incrustation
Les incrustations de pierre ou de matières organiques sont utilisées par
Goudji pour leur aspect décoratif (choix de couleur, contraste avec le
métal), pour la symbolique des couleurs ou, par exemple, pour l'évocation
des pierres constitutives de la Jérusalem céleste dans l'Apocalypse selon
saint Jean (épées d'académiciens ou ensemble liturgique de Chartres, par
exemple), et pour des raisons techniques : l'incrustation de pierre sur le
bord d'un bassin en tôle d'argent ou sur le bandage des roues des chariots
leur donne davantage de poids et de rigidité. En outre, Goudji ne laisse
jamais percevoir l'épaisseur réelle du métal : le bord de la pièce est
épaissi et rigidifié d'un listel ou bien gansé de pierres enchâssées dans le
métal.
Goudji achète principalement ses pierres ornementales à Idar-Oberstein, en
Rhénanie-Palatinat. Ancien lieu d'extraction de l'agate et de l'améthyste
depuis l'Antiquité, cette localité située à 30 km de Trêves est devenu un
très important centre de transformation des roches décoratives et un marché
où se traite une grande partie du commerce mondial des pierres ornementales.
La couleur et la provenance des roches données ici sont celles des pierres
utilisées par Goudji.
Agate : quartz coloré, calcédoine rubanée, diaphane ou opaque, aux lignes
concentriques claires et sombres alternées, dans les gris et les bruns.
Brésil surtout, Inde.
Albâtre : gypse à grain fin, brun, beige ou rose ; Népal.
Améthyste : quartz compact, pierre fine violette. On lui attribue la qualité
de talisman, qui porte chance et force, protège des sorts et de l'ivresse.
Brésil.
Amphibolite ou zoïsite : pierre fine d'origine volcanique, verte mouchetée
de noir ou de rubis. Brésil ou Madagascar.
Aventurine : quartz vert, uni, foncé ou clair. Brésil et Afrique du Sud.
Calcédoine : quartz gris bleuté, uni ou zoné, un peu plus transparent que
l'agate. Brésil.
Chrysoprase :c'est la plus précieuse des calcédoines, d'une teinte vert
pomme, unie. Afrique du Sud, Madagascar, Brésil.
Cordiérite : pierre siliceuse transparente, bleu violacé, presque noire.
Brésil, Madagascar.
Cornaline : calcédoine orangée, unie ou rubanée, semi-transparente. Elle
doit son nom à sa couleur qui rappelle celle de la cornouille, fruit du
cornouiller. Elle passe pour avoir le pouvoir de dissiper l'émotion et
d'apaiser la colère. Elle sert souvent de base à la gravure des intailles.
Brésil.
Corail : squelette calcaire de polypes arborescents vivants dans les mers
chaudes, le corail est une substance précieuse d'origine organique dont la
plus utilisée est le corail noble, de couleur uniforme rose orangé à rouge
sang de boeuf. Lybie, Italie.
Cristal de roche ou quartz : quartz compact et limpide. Le quartz givré
présente des "nuages" blanchâtres qui sont autant d'inclusions de
micro-bulles de gaz, piégées à la formation de la roche, ou de failles
consécutives. Dans sa variété "arc-en-ciel", le cristal joue le rôle de
prisme et décompose la lumière selon les couleurs de l'arc-en-ciel ; Brésil.
Emeraude : l'une des quatre pierres dites précieuses, l'émeraude est un
béryl coloré en vert éclatant, vert jaune ou vert profond, par le chrome et
le vanadium. Toujours fragile, elle est transparente ou givrée d'inclusions.
Birmanie, Thaïlande.
Granit : roche hétérogène composée de quartz, de feldspath et de mica.
Granit vert des Pyrénées, granit rose et rouge d'Armorique (Bretagne).
Grenat : pierres fines rouge sombre à noires. Madagascar.
Ivoire : substance osseuse blanche très dure, provenant notamment des
défenses de l'éléphant. Rarement utilisé par Goudji, il provient du stock
racheté à un ancien sculpteur d'ivoire. Afrique, Birmanie, Inde.
Jaspe rouge et jaspe vert : quartz opaques, proches des calcédoines,
bariolés, rayés, mouchetés ou flammés selon les inclusions qu'ils
contiennent. Afrique du Sud et Brésil.
Labradorite : feldspath gris foncé ou noir aux d'étonnants reflets irisés
bleus et verts. Finlande.
Lapis-lazuli : agrégat de lazurite, de sodalite, de hauüyne et de noséane,
bleu indigo à bleu profond, très souvent tacheté, moucheté de blanc
(calcite) ou d'or (pyrite). Afghanistan.
Nacre : matière organique irisée de couleur variée. Pacifique.
Néphrite ou jade de Russie : variété d'amphibole ou de jade, verte mouchetée
de noir, cette roche passait pour protéger les reins ou en guérir les
affections (d'où son nom). Russie, Brésil.
Oeil-de-faucon : quartz opaque, bleu aile de corbeau ou bleu verdâtre
présentant des traits parallèles bruns ou jaunâtres de crocidolite
(amphibole). Afrique du Sud.
Oeil-de-fer : Roche brune et rouge rubanée à reflets métalliques gris et
dorés ; oxydes de fer et jaspe rouge alternant avec des bandes courtes et
perpendiculaires d'oeil-de-tigre. Afrique du Sud.
Oeil-de-tigre : quartz opaque aux traits parallèles chatoyants de
crocidolite brune, beige et jaune mordoré. Afrique du Sud.
Onyx : calcédoine noire unie. Brésil et Madagascar.
Orthocéras : coquille fossile fusiforme et cloisonnée, translucide dans une
roche-mère gris sombre, d'un mollusque céphalopode des mers profondes des
ères primaire et secondaire. Maroc.
Pyrite : sulfure de fer aux reflets dorés (d'où son appellation "l'or des
fous") aux cristaux enchâssés dans une roche-mère grise, noire ou bleue
comme le lapis-lazuli ; Afrique du Sud.
Quartz enfumé : quartz beige, brun, gris ou noir. Europe, Brésil.
Quartz rose : quartz rose, transparent, souvent fissuré et trouble. Brésil
et Madagascar.
Rutile : inclusions rouge intense de titane, cheveux d'anges ou aiguilles
dorées entrecroisées dans le quartz. Brésil.
Serpentine : roche métamorphique vert sombre. Madagascar.
Sodalite : feldspath bleu clair ou foncé, sillonné de veinules calcaires
blanches avec, parfois, comme dans le lapis-lazuli, des paillettes mordorées
de pyrite. Namibie (Afrique du Sud).
Tourmaline : borosilicate d'aluminium brun, rouge, vert ou jaune inclus dans
le quartz sous forme d'aiguilles noires, le plus souvent. Brésil.
Zoïsite ou amphibolite : pierre fine verte mouchetée de noir ou de rubis.
Brésil ou Madagascar.
Goudji ne travaille le bois que comme support (carcasse de l'autel de
Chartres), pour de rares meubles de commande ou comme matière ornementale
d'incrustation. Il achète ses bois exotiques à leur arrivée au Havre.
Acajou : bois rouge, sombre, dur et serré, susceptible d'acquérir un très
beau poli. Amazonie.
Bois de violette : variété d'acajou au bois noir veiné de clair. Amazonie.
Buis : bois clair, jaune, dur et à grain très fin. Amazonie, Europe.
Ebène : bois noir ou foncé, dur et pesant, à grain très fin et serré,
susceptible d'acquérir un beau poli, surtout utilisé en placage, car les
pièces massives ont tendance à éclater. Amazonie.
Palissandre : bois lourd et dur, brun foncé, à reflets violacés. Amazonie.
Poirier : bois fruitier, au grain serré, facile à travailler et à teinter ;
il remplace l'ébène pour la réalisation du mobilier car il n'éclate pas
lorsqu'il est utilisé en pièces massives. France.
Depuis 1995, Goudji utilise également la pâte de verre moulée à la pièce, à
la cire perdue, technique très délicate mise en oeuvre par son ami et
complice, le maître-verrier parisien Antoine Leperlier, sur des matrices en
plâtre créées par Goudji. Cela leur permet d'obtenir des pièces dont la
taille et la forme ne peuvent être obtenues dans les pierres dures ou de
rechercher de nouveaux effets de matière et de couleur.
Technique et savoir-faire
"Qu'importe la technique, seule la créativité compte". Ainsi parle Goudji
mais son art tout entier est commandé par un métier retrouvé, un
savoir-faire unique, un coup d'oeil acéré, une main adroite animée par une
pensée, une volonté, une ténacité, une énergie et un rythme quasi musical
qui lui sont particuliers.
Pour créer une pièce, Goudji "laisse parler la matière". Sans dessin
préparatoire, le plus souvent, il découpe la feuille d'argent à l'estime,
sans jamais prendre de mesure. Il la met en forme à grands coups de maillet
sur un billot, puis au marteau sur la bigorne.
Ce qui contraste fondamentalement avec l'image d'un artisan minutieux que
l'on se fait de l'orfèvre, c'est l'énorme énergie et la puissance physique
nécessaires aux martelages violents et aus serrages extrêmes, la virtuosité
manuelle et la justesse du coup d'oeil.
Symbole riche évoquant la présence de l'artiste et l'intimité de sa
création, le tablier de Goudji est plus qu'un modeste vêtement de travail.
C'est aussi le nécessaire compagnon de toutes ses luttes : il le protège de
la morsure du métal, des brûlures de l'argent chauffé à blanc ou des
projections d'acide dont ses mains portent souvent les marques. Patiné par
les ans, le cuir vivant porte les stigmates de la tâche quotidienne et des
maladresses dues à la fatigue.
Cent fois sur l'étau, l'artiste s'arc-boute pour changer d'enclumette, cent
fois il troque son marteau, car il doit adapter la panne et l'enclume à la
courbure qu'il recherche. Cent fois ses outils sont repolis car toute
imperfection serait irrémédiablement insculpée, telle un poinçon, sur le
métal écrasé. Et cent fois il recuit, trempe dans l'acide et rend au métal
écroui sa souplesse et sa vie. A peine de la voir se déformer, se casser ou
se déchirer, la pièce doit être chauffée uniformément. Les chandelles du
brûleur et la lance du chalumeau deviennent alors protagonistes d'un ballet
où le feu auxiliaire est aussi l'adversaire.
Avant que l'assemblage des éléments ne rende cette opération plus
difficile, l'artiste appose les poinçons qui sont sa signature et sa garantie.
Préparés à part, parfois à partir de maquettes découpées dans du carton,
les éléments d'une même oeuvre sont assemblés et soudés. L'orfèvre en affine
les extrémités à raccorder, les enduit de fondant, les superpose et les
chauffe simultanément. Lorsque la couleur du métal indique la température
appropriée, il les soude par martelage, les trempe dans une solution d'acide
cyanhydrique puis les rince à l'eau claire. Martelée et polie, puis
réargentée ou dorée, la soudure devient invisible.
Une fois achevé le travail de l'orfèvre et avant l'intervention du
lapidaire, l'oeuvre en devenir est confiée au Bureau de la Garantie de
Paris, qui contrôle le poids et le titre du métal puis y appose son poinçon.
Les parois épaisses sont réalisées par l'assemblage de deux volumes
parallèles dont le vide permet l'inclusion de logettes cloisonnées dans
lesquelles sont incrustées des pierres ornementales. sciés à même le bloc
choisi par Goudji, les plaquettes sont assemblées et polies par Thierry
Hauwel, le lapidaire formé à l'école exigeante de l'artiste. Elles
soulignent la pureté des formes, équilibrent les volumes, rigidifient le
métal, enrichissent la pièce par le jeu différencié de la lumière sur le
métal et le minéral intimement mariés selon une technique particulièrement
originale.
Après l'incrustation et le polissage des pierres ornementales, l'oeuvre
reçoit par électrolyse un fin dépôt d'argent, et d'or pour les pièces en
vermeil ou en or. Avivé au tampon, le dépôt électrolytique mat retrouve vie
par un dernier polissage au sable, à main nue, et l'artiste lui donne son
aspect définitif par un brunissage à l'agate qui veine la surface et
accroche la lumière en fonction des facettes du martelage.
Recréant l'art du dinandier, de l'orfèvre, du joaillier, du lapidaire ou
bien celui du chaudronnier, Goudji transcende leur métier, retrouve l'esprit
de la toreutique antique. Il puise aux sources des civilisations disparues
ce qu'elles ont créé d'universel, d'intemporel, et s'en sert pour des formes
nouvelles, puissantes, animées d'un improbable bestiaire.
Ce sont tous les austères raffinements des peuples de l'éternelle errance
dans l'immensité du paysage et l'infini de la pensée, ceux des nomades qui
portaient sur eux leurs richesses, c'est la pureté primitive des formes
mythiques et sacrées des Antiquités de l'Orient ou des Barbares de
l'Extrême-Occident, c'est aussi la virtuosité des artistes du Bas-Empire
romain et de la Renaissance italienne qui n'hésitaient pas à creuser les
cristaux comme l'on forgeait le métal, ce sont tous ces trésors que Goudji
ose recréer pour nos temps incertains et pour l'éternité, sélectionnant les
blocs les plus rares et recréant les techniques disparues. Mais l'histoire
n'enseigne-t-elle pas que c'est lorsqu'elles naissent ou renaissent que les
nations créent les arts "primitifs" ou "archaïques", expressions de la
pensée humaine les plus pures, les plus stables et les plus révélatrices de
l'essentiel, et n'est-ce pas lorsqu'elles chancellent,qu'elles produisent ce
qu'elles ont de plus raffiné, de plus complexe, d'éternel et d'éphémère à la
fois ? N'était-ce pas dans les profondeurs les plus sombres que se cachait
l'or des ou l'escarboucle des légendes ? Et les armes des dieux
n'étaient-elles pas forgées dans l'antre formidable des Cyclopes ?
Témoin contemporain d'âges révolus et archéologue des temps présents,
Goudji rappelle et recrée, transforme et suggère. Sa référence n'est plus
quotidienne, elle est d'éternité.
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